Esther
O Rachel, is it you? Thrice happy day,
O blessed heaven, which sends you to my prayers.
You did not know that I was made the Queen?
More than six months my friends have sought for you.
Where have you been?Rachel
I heard that you were dead,
And hearing this, I lived most miserably,
Until a prophet told me, “Do not weep,
But rise, leave this, and take the Shushan road;
There you will see your Esther crowned the Queen.
And on your way comfort the wretched tribes;
Tell them the day approaches when our God
Will send His comfort with a powerful arm.”
I heard his words, and hurried to the palace.
Marvellous it is that proud Ahasuerus
Has crowned his captive, made a Jewess Queen.
O by what hidden ways, what strange events,
Has Heaven led you to this great position?Esther
Have they not told you of the great disgrace
Of the proud Vashti, Queen before my coming?
The King divorced her, but when she was gone
His mind was troubled, and he sought for one
To bring him comfort.
They sought throughout the world in every land
To find a Queen.I, as an orphan, lived alone and hidden
Under the care of watchful Mordecai:
He is my uncle, and he tended me.
Sad for the trouble of the captive Jews,
He told me all his secret plans, and I
Obeyed his wish, and sought to be the Queen.
Who could express the plots and counter-plotsOf all these courtiers, striving for the honour,
Striving to catch Ahasuerus’ eyes.
At last Ahasuerus’ order came to me,
And I appeared before the mighty King.
Long time he watched me in a sombre silence,
Then gently spoke: “You shall be Queen,” he said,
And crowned me with his royal diadem.
Then followed days of joys and festivals;
Esther was Queen, and seated in the purple;
Half of the world was subject to her sceptre.
But grass is growing in Jerusalem,
The stones are scattered from the holy Temple,
The God of Israel’s worship is no more.Rachel
Have you not told the King your troubles, Esther?
Esther
The King? Even now he knows not that I am a Jewess,
For Mordecai keeps me secret still.Rachel
Can Mordecai come about the Court?
Esther
His love for me finds out a thousand ways
To send advice, and me to ask for it.
A Father has less care for his own son.
Already by good Mordecai’s cunning
I have laid bare to the King the treacherous plots
Made by two slaves against him.
Meanwhile my love for our beloved race
Has filled this palace with young Jewesses.
Here I can care for them and teach their souls.
Among them, putting by my queenly pride,
I bow myself before the feet of God;
I hide from all the Persians who they are.Come! Come, my daughters,
Companions here of my captivity.Rachel
Innocent children, may God give you peace.
Esther
My daughters, sing us one of those sweet psalms
That tell of Zion.1st Chorus
We cannot sing of Zion without tears.
2nd Chorus
How can we sing the happy songs of home In this strange land?
Translated and adapted by John Masefield.
ESTHER.
Est-ce toi, chere í‰lise? O jour trois fois heureux!
Que béni soit le del qui te rend í ines voeux,
Toi qui de Benjamin comme moi descendue,
Fus de mes premiers ans la compagne assidue,
Et qui, d’un míªme joug souffrant l’oppression,
M’aidais í soupirer les malheurs de Sion.
Combien ce temps encore est cher í ma mémoire!
Mais toi, de ton Esther ignorais-tu la gloire?
Depuis plus de six mois que je te fais chercher,
Quel climat, quel désert a donc pu te cacher?ELISE.
Au bruit de votre mort justement éplorée,
Du reste des humains je vivais séparée,
Et de mes tristes jours n’attendais que la fin,
Quand tout í coup, Madame, un prophète divin:
"C’est pleurer trop longtemps une mort qui t’abuse,
Lève-toi, m’a-t-il dit, prends ton chemin vers Suse.
Lí tu verras d’Esther la pompe et les honneurs,
Et sur le trône assis le sujet de tes pleurs.
Rassure, ajouta-t-il, tes tribus alarmées,
Sion: le jour approche où le Dieu des armées
Va de son bras puissant faire éclater l’appui;
Et le cri de son peuple est monté jusqu’í lui.»
Il dit; et moi, de joie et d’horreur pénétrée,
Je cours. De ce palais j’ai su trouver l’entrée.
O spectacle! O triomphe admirable í mes yeux,
Digne en effet du bras qui sauva nos aïeux!
Le fier Assuérus couronne sa captive,
Et le Persan superbe est aux pieds d’une Juive.
Par quels secrets ressorts, par quel enchaînement,
Le Ciel a-t-il conduit ce grand événement?ESTHER
Peut-íªtre on t’a conté la fameuse disgrâce
De l’altière Vasthi, dont j’occupe la place,
Lorsque le Roi, contre elle enflammé de dépit,
La chassa de son trône, ainsi que de son lit.
Mais il ne put sitôt en bannir la pensée.
Vasthi régna longtemps dans son âme offensée.
Dans ses nombreux í‰tats il fallut donc chercher
Quelque nouvel objet qui l’en pí»t détacher.
De l’Inde a l’Hellespont ses esclaves coururent;
Les filles de l’í‰gypte í Suse comparurent;
Celles míªme du Parthe et du Scythe indompté
Y briguèrent le sceptre offert í la beauté.
On m’elevait alors, solitaire et cachée,
Sous les yeux vigilants du sage Mardochée.
Tu sais combien je dois í ses heureux secours.
La mort m’avait ravi les auteurs de mes jours;
Mais lui, voyant en moi la fille de son frère,
Me tint lieu, chère í‰lise, et de père et de mère.
Du triste état des Juifs jour et nuit agité,
Il me tira du sein de mon obscurité;
Et sur mes faibles mains fondant leur délivrance,
Il me fit d’un empire accepter l’espérance.
A ses desseins secrets tremblante j’obéis.
Je vins. Mais je cachai ma race et mon pays.
Qui pourrait cependant t’exprimer les cabales
Que formait en ces lieux ce peuple de rivales,
Qui toutes disputant un si grand intéríªt,
Des yeux d’Assuérus attendaient leur arríªt?
Chacune avait sa brigue et de puissants suffrages:
L’une d’un sang fameux vantait les avantages;
L’autre, pour se parer de superbes atours,
Des plus adroites mains empruntait le secours;
Et moi, pour toute brigue et pour tout artifice,
De mes larmes au ciel j’offrais le sacrifice.Enfin on m’annoní§a l’ordre d’Assuérus.
Devant ce fier monarque, í‰lise, je parus.
Dieu tient le coeur des rois entre ses mains puissantes.
Il fait que tout prospère aux âmes innocentes,
Tandis qu’en ses projets l’orgueilleux est trompé.
De mes faibles attraits le Roi parut frappé.
Il m’observa longtemps dans un sombre silence;
Et le Ciel, qui pour moi fit pencher la balance,
Dans ce temps-lí sans doute agissait sur son coeur.
Enfin, avec des yeux où régnait la douceur:
"Soyez reine,» dit-il; et dès ce moment míªme
De sa main sur mon front posa son diadème.
Pour mieux faire éclater sa joie et son amour,
Il combla de présents tous les grands de sa cour;
Et míªme ses bienfaits, dans toutes ses provinces.
Invitèrent le peuple aux noces de leurs princes.Helas! durant ces jours de joie et de festins,
Quelle était en secret ma honte et mes chagrins!
"Esther, disais-je, Esther dans la pourpre est assise,
La moitié de la terre í son sceptre est soumise,
Et de Jérusalem l’herbe cache les murs!
Sion, repaire affreux de reptiles impurs,
Voit de son temple saint les pierres dispersées,
Et du Dieu d’Israí«l les fíªtes sont cessées!»í‰LISE.
N’avez-vous point au Roi confié vos ennuis?
ESTHER.
Le Roi, jusqu’í ce jour, ignore qui je suis.
Celui par qui le ciel règle ma destinée
Sur ce secret encor tient ma langue enchaînée.í‰LISE.
Mardochée? Hé! peut-il approcher de ces lieux?
ESTHER
Son amitié pour moi le rend ingénieux.
Absent, je le consulte; et ses réponses sages
Pour venir jusqu’a moi trouvent mille passages.
Un père a moins de soin du salut de son fils.
Déjí míªme, déjí , par ses secrets avis,
J’ai découvert au Roi les sanglantes pratiques
Que formaient contre lui deux ingrats domestiques.
Cependant mon amour pour notre nation
A rempli ce palais de filles de Sion,
Jeunes et tendres fleurs, par le sort agitées,
Sous un ciel étranger comme moi transplantées.
Dans un lieu séparé de profanes témoins,
Je mets í les former mon étude et mes soins;
Et c’est lí que, fuyant l’orgueil du diadème,
Lasse de vains honneurs, et me cherchant moi-míªme,
Aux pieds de l’í‰ternel je viens m’humilier,
Et goí»ter le plaisir de me faire oublier.
Mais a tous les Persans je cache leurs familles.
Il faut les appeler. Venez, venez, mes filles,
Compagnes autrefois de ma captivité,
De l’antique Jacob jeune postérité.UNE DES ISRAí‰LITES
Ma soeur, quelle voix nous appelle?
UNE AUTRE
J’en reconnais les agréables sons.
C’est la Reine.TOUTES DEUX.
Courons, mes soeurs, obéissons,
La Reine nous appelle:
Allons, rangeons-nous auprès d’elle.TOUT LE CHOEUR
La Reine nous appelle:
Allons, rangeons-nous auprès d’elle.í‰LISE.
Ciel! quel nombreux essaim d’innocentes beautés
S’offre í mes yeux en foule et sort de tous côtés!
Quelle aimable pudeur sur leur visage est peinte!
Prospérez, cher espoir d’une nation sainte.
Puissent jusques au ciel vos soupirs innocents
Monter comme l’odeur d’un agréable encens!
Que Dieu jette sur vous des regards pacifiques.ESTHER
Mes filles, chantez-nous quelqu’un de ces cantiques
Où vos voix si souvent se míªlant í mes pleurs
De la triste Sion célèbrent les malheurs.UNE ISRAí‰LITE
Déplorable Sion, qu’as-tu fait de ta gloire?
Tout l’univers admirait ta splendeur:
Tu n’es plus que poussière; et de cette grandeur
Il ne nous reste plus que la triste mémoire.
Sion, jusques au ciel élévee autrefois,
Jusqu’aux enfers maintenant abaissée,
Puissé-je demeurer sans voix,
Si dans mes chants ta douleur retracée
Jusqu’au dernier soupir n’occupe ma pensée!